dimanche 27 novembre 2011

Rêve petite Lune...

Attente dans une gare.

Me contentant simplement de me laisser bercer sur ce banc par les battements de son chœur de locomotives. Contempler la nuit accompagner un par un les derniers survivants, sans prendre part au voyage.
Le mien est tout autre...

- "Vous prenez quel train monsieur?"

Depuis quand était-elle là?
La voix tremblant sous le poids des années, les mains épuisées par la vie, mais le timbre adouci par la sagesse. Sans vraiment la regarder je lui réponds qu'aucun train ne va là où je vais.

- "Tant qu'il y a quelqu'un pour y aller, il y a toujours un train qui y va" lança-t-elle quelque part entre un rire et une toux. Je me tourne vers elle mais seul le vide du banc reste témoin de ma surprise.

- "Vous prenez quel train monsieur?"
Comme pour étreindre cette surprise et la garder sur ce banc je me tourne vers l'oisillon qui vient de me poser cette question. La même intonation... dans un tout petit corps aux cheveux soigneusement attachés des deux côtés de sa petite tête, les mains sur les genoux et les pieds qui dansent en rythme comme heureux de ne pas encore toucher terre. Je lui dis que j'attends celui qui va sur la lune.

- "Mais ça n'existe pas!" s'étonne-t-elle entre une voix moqueuse et un regard qui ne demande qu'à y croire.

Je lui dis qu'il suffit de fermer les yeux et de le rêver. Elle croise le regard de l'astre d'argent...entreprend de fermer les yeux, puis se ressaisit aussitôt

- "C'est nul !!"... ma surprise semble décidément aimer ce banc. Je lui fais remarquer qu'elle a à peine esquissé un essai. Ce à quoi elle maintient,

- "C'est nul! Dans un train pour la lune on n'a pas le temps de faire coucou à toutes les étoiles! Elles sont loin tu comprends? Et quand tu les regardes elle savent pour qui elles brillent"

Je me sens tout d'un coup un peu idiot, et lui demande comment elle préférerait y aller.

- "En marchant!" Dit-elle comme d'une évidence implacable.

Faisant fi de mon étonnement qui semble avoir pleinement prit part à la conversation, elle poursuit

- "Comme ça, j'aurais tout mon temps et à chaque pas je ferais coucou à une nouvelle étoile"

Son innocence ravive une flamme qui depuis longtemps m'avait quitté, mais je lui dis que pour ce faire il faudrait une route qui mène jusque là.

- "Bah... Il suffit de fermer les yeux et de la rêver!"

Un rire incontrôlé chante ma défaite alors que je contemple le miroir d'opale. Pas besoin de me tourner cette fois pour savoir que le petit oisillon n'est plus là.
Les trains ne se font plus écho depuis longtemps déjà, et c'est dans ce silence que je me lève de ce banc maintenant si familier, et c'est en laissant disparaître derrière moi la gare que j'amorce mon pèlerinage pour la lune, marchant sur l'édifice du rêve, dédiant chaque pas à une étoile.